Les "experts" du ruissèlement : la bande à Vincent
31 août 2022 ǀ Par Femgaze
La France n'a jamais connu un tel consensus économique dans les médias. Hors presse et podcasts indépendants, les rédactions économiques sont devenues des chambres d'écho du lobby antifiscal. Haro sur les dépenses publiques, climato-relativisme, apologie du "ruissellement"…, les "journalistes" économiques diffusent les éléments de langage du conservatisme avec une partialité unanime.


N'en déplaise à Séverine, c'est désormais un monochrome de vieux hommes blancs (sans qualification) qui font l'information. Des émissaires plus que des journalistes. Je veux parler des rédactions économiques.
L’économie est une science politique. Aucun chiffre n’est neutre. Aucun mot n'est choisi au hasard. Aucune "loi" économique ne contraint une décision politique. Un édito ou une chronique éco devrait donc donner à lire plusieurs interprétations des chiffres, des choix économiques d'un gouvernement et des idées dans le débat public. Le paysage médiatique français s'avère loin de cet idéal. La lecture conservatrice y est omniprésente. Les éditorialistes utilisent jusqu'aux éléments de langage du gouvernement ("argent magique", "quoiqu'il en coûte", "réflexe pavlovien de la taxe").
Dans toutes les rédactions, l'économie est mobilisée comme un argument d'autorité pour écraser le pluralisme. Il n'y aurait pas d'alternative ni à la réduction des dépenses publiques, ni à "l'autorégulation" des entreprises, ni à la poursuite de la croissance (du PIB). Il s'agit pourtant de croyances idéologiques. Entendons-nous bien, les croyances politiques ont toutes leur place dans l'espace médiatique. Le problème n'est pas qu'elles existent mais qu'elles se posent en vérité absolue d'une part et qu'elles ne soient jamais mises en regard d'autres croyances d'autre part.
Ce monopole des idées n'a rien de naturel. C'est le résultat d'un long travail de sape : mainmise financière des affairistes sur les mass media, déqualification des journalistes économiques, collusion des rédactions publiques.
Petite ballade aux pays des désinformateurs

"Le point absolument phénoménal, c'est : il faut pas confondre le doigt et la lune, l'éléphant dans la pièce. Le sujet est absolument majeur (…) le paquet pouvoir d'achat tient dans le tube du dentifrice"
Le débat éco du vendredi, France Inter, septembre 2022
"La grande incertitude, c'est l'état de la chaîne des valeurs avec la Chine et le Covid. Que se va-t-il se passer? (sic) C'est un gros nuage."
Le débat éco du vendredi, France Inter, juin 2022
Dominique Seux parle à 4,3 millions d'auditeur.ice.s tous les matins sur France Inter. C'est qui?
Un homme blanc de 60 ans, "libéral soft" comme il se définit lui-même, qui a peu ou prou étudié l'économie. Directeur délégué de la rédaction des Echos, quotidien ouvertement conservateur et propriété de LVMH (voir plus bas), Dominique Seux débarque sur France Inter à l'ère Sarkozy, premier président de la Vème à s'octroyer le droit de nommer lui-même un directeur de Radio France. Une nomination autoritaire qui ouvre la voie à la mise au pas des rédactions marquées "à gauche". Dominique Seux s'avère, dans ce contexte, le parfait candidat, au point d'être aujourd'hui l'unique chroniqueur et éditorialiste économique de la matinale la plus écoutée de France, sauf … une fois par semaine, le vendredi, où il partage l'antenne avec Thomas Piketty.
En 2018, Christian Chavagneux, docteur en sciences éco, journaliste chez Alternatives Économiques, a dressé un bilan des 230 chroniques de Dominique Seux sur France Inter : 45 % ont porté sur "l’entreprise, ses dirigeants ou ses actionnaires" (#premiers de cordée) sans mention des salariés; 21 % dénonçaient le poids trop important des dépenses publiques et des impôts (#lobby antifiscal)... mais 9% seulement ont questionné le réchauffement climatique et on tombe à 2% sur le sujet des inégalités comme sur celui de "l'évitement fiscal des riches et des entreprises".
La recette éditoriale de Dominique Seux? Noyer l'auditeur.ice sous une avalanche de métaphores bizarres, parsemer de quelques mots économiques pour donner un vernis scientifiques, abonder en chiffres détournés, puis glisser dans ce Gloubi-boulga des partis-pris idéologiques exprimés cette fois de manière concise et intelligible. Ce dernier ingrédient étant le seul comestible, il passe crème. Quelques exemples.
Avec une sur-utilisation de la litote : "la guerre [en Ukraine] commence à mordre [sur la croissance] mais modérément. La consommation des ménages morfle un peu (…) le risque, c'est une légère hausse des prix". On est en juin au moment où il s'exprime et l'Insee prévoit déjà une inflation à plus de 6% pour juillet!
Avec un WTF de chiffres : "[sur le chômage] début 2027 (sic) début 2022 on est sur une croissance de 5,8%. On a eu des montagnes russes pendant ce quinquennat : 100, 2017, +5,8, 2022 donc la croissance a été plus forte sous ce quinquennat que sous les deux précédents". Quelqu'un.e a compris?
Avec des métaphores absurdes : "le paquet pouvoir d'achat tient dans le tube du dentifrice"; " [selon la Nupes] l'économie ce serait de l'hydraulique automatique (…) il faudrait ouvrir le robinet des dépenses et la baignoire se remplirait (…) mais les robinets peuvent coincer aussi"… "Le quoiqu'il en coûte s'est installé sur le siège du passager"… "[Sur le climat] l'Europe n'a qu'un tout petit bout de la pédale de frein" ! Ingénieur dans l'âme le Dominique ?
Et toujours avec ce parti-pris idéologique assené à longueur de chroniques :
Sur le paquet pouvoir d'achat : "ces boucliers tarifaires coûtent cher, plusieurs milliards", bien moins que les aides aux entreprises hors Covid mais ce n'est jamais précisé;
Sur la dette : "Les Français n'ont pas une vigilance très forte sur l'argent public, en tout cas moins que d'autres", infox la plus répandue du lobby antifiscal;
Sur le quinquennat Macron : "c'est un bon bilan économique";
Sur la réforme fiscale proposée par la gauche : "ce ne serait pas un choc fiscal mais un choc puissance 10 qui toucherait la majorité des Français", infox encore : seulement les 10% des Français.e.s qui gagnent plus de 4000 euros par mois verraient leur prélèvements augmenter;
Sur le climat : "Le point absolument phénoménal, c'est : il faut pas confondre le doigt et la lune, l'éléphant dans la pièce (…) on a été tout l'été très concentré sur le climat en France mais ailleurs c'était catastrophique !" #climatorelativisme
Sur les dépenses de protection sociale qu'il appelle comme le gouvernement "le quoiqu'il en coûte", ce qui n'a aucun sens puisque ce sont des dépenses assurantielles pérennes et non des dépenses de crise : "il y aura à nouveau du quoiqu'il en coûte mais la question c'est de savoir si cette arme-là n'est pas un peu épuisée"! Déclinaison euphémistique de la formule présidentielle sur "la fin de l'abondance". Ou encore : "le succès de la sécurité sociale, la santé pour tous, s'est payé à un prix trop élevé pour l'économie; il y a des déficits scandaleux"...
Sur le revenu jeune : "Le RSA pour les 18-25 ans, c'est pas la priorité (…) les jeunes ont déjà droit à certains minimas sociaux: l'allocation adulte handicapé; c'est 10 milliards d'euros!"…
On pourrait écrire un bêtisier éco en plusieurs volumes tellement ses chroniques foisonnent d'approximations, de mauvaise-foi délibérée et souvent hélas d'infox. Sauf que ce n'est pas drôle... parce que Dominique Seux bénéficie d'une part d'audience énorme.

"Un tel délire de dépenses nouvelles… c'est la fête à Neuneu (…) Le quoiqu'il en coûte a déformé les esprits dans le sentiment qu'il suffisait de se baisser pour ramasser de l'argent magique"
C à Vous - 01/04/2022, France 5
François Lenglet parlait à 1,5 millions de téléspectateurs sur France 2 dans L'angle éco. C'est qui?
Un homme blanc de 61 ans, qui s'avoue "plutôt libéral". Diplômé de lettres modernes - entendre : n'a jamais étudié l'éco - François Lenglet est un journaliste tout-terrain : il a officié aux Echos, propriété de Bernard Arnaud (voir plus bas), à l'Expansion, propriété de Patrick Drahi (voir plus bas), mais aussi à La Tribune, BFM Business (re-Drahi), France 2, TF1 puis LCI (Bouygues) où il dirige le service économie. Surtout, il s'est fait une réputation "d'expert" qui lui vaut d'être invité sur tous les plateaux dès qu'il est question d'économie. Et c'est fâcheux.
Sa recette éditoriale : souffler le chaud et le froid et soigner sa mise en scène. François Lenglet peut déplorer les inégalités ou "les excès" de la mondialisation et condamner dans la foulée les dépenses de protection sociale, avec un modulo dans la voix à la Fabrice Drouelle !
Exemple cas d'école de l'émission "Le grand bazar fiscal" France 2, 2015 (sous Hollande donc, détail important;)
Sur 1h22 d'émission, c'est dès la quatrième minute que tombe : "Notre fiscalité est l'une des plus lourdes en Europe. Même les ministres parlent maintenant de ras le bol fiscal". Le décor est planté. Suivent cinq reportages dont quatre à charge. On y suit des retraités exilés fiscaux au Portugal excédés par les contrôles du fisc, la cellule de Bercy qui accompagne le retour "des repentis fiscaux qui remplissent les caisses de l’État", une enquête sur "l'autre exil fiscal : le travail au noir" et Michel Sapin qui expose ses réformes "libérales"! Conclusion de Lenglet : "pour réconcilier les Français avec l'impôt, il faudrait le simplifier et l'alléger". En toute partialité assumée.
Oui mais, allez-vous me dire, il a quand même reçu le prix du livre de l'économie en 2016, c'est une sacrée distinction ! Ça y ressemble fort, et c'est fait pour. Dans les faits, il s'agit d'un prix décerné tous les ans par un jury de "journalistes économiques" présidé par Marc Ladreit de Lacharrière, PDG de Fimalac, milliardaire et énarque, en présence du ministre de l’Économie et des finance... it's a small world.
Au passage, un marqueur révélateur de cet entre-soi : en 12 ans, le prix du Livre d'économie et le prix lycéen Lire l’économie ont récompensé … 42 hommes et 7 femmes.

"Collectivement nous ne travaillons pas assez (…) les 35 heures, c'est bon, on a fait huit lois pour les contourner, tout existe pour s'en passer (…) le meilleur outil pour travailler plus c'est le recul de l'âge de la retraite (…) il faut faire travailler plus de monde avec la formation dès l'enfance (sic) et même à un âge avancé"
"Il faut aussi la réforme de l'assurance chômage (…) il y a un phénomène d'hibernation des chômeurs"
"Si les impôts et la dépense publique étaient le Graal de la croissance économique, ça se saurait !"; nous le savons justement et même précisément (mesure du coefficient multiplicateur de la dépense), mais nous n'avons pas l'espace médiatique pour le faire savoir.
La Polémique, 06/0722, 13/07/2022 et 13/06/2022, BFM Business
Nicolas Doze adresse son point de vue à un demi-million de téléspectateur.ice.s (dont un quart de CSP+) tous les matins à la matinale de BFM Business. C'est qui?
Un homme blanc de 54 ans, diplômé d'une école privée de journalisme (l'ESJ) – entendre n'a jamais étudié l'économie – qui a fait toute sa carrière chez BFM (propriété de Patrick Drahi, voir plus bas). Épinglé plusieurs fois pour partialité, notamment par Arrêt sur Images, sa recette à lui, c'est d'étayer. Ses chroniques sont sourcées mais toujours aux mêmes puits : Institut Montaigne, Molinari, Ifrap, Terra Nova… c'est-à-dire uniquement des think-tanks de droite.
Enfin, sur Cnews, équivalent français de Fox news depuis sa reprise par Bolloré (voir plus bas), ça profuse. Y officie notamment dans la quotidienne Face à l'info mais aussi l'Hebdo de l'éco : Eric de Riedmatten, 58 ans, diplômé d'une école de commerce après sa sortie du lycée catholique Saint Ex de Versailles, ancien lobbyiste chez Clai, et ancien dircom de BMW.

"La France a totalement perdu le contrôle de ses finances (…) il faudra bien rembourser le déficit de la France qui est abyssal" #hyperhyperbole
"Le revenu jeune, c'est une somme considérable… des dépenses somptuaires" les jeunes (qui n'ont pas fait Saint Ex) apprécieront de savoir que les sortir de la pauvreté est donc un luxe (qu'on ne peut pas se permettre).
"Il y a un Amazon bashing parce que Jeff Bezos représente "le grand capital" mais c'est quand même le troisième employeur de la planète" … que le e-commerce ait créé autant d'emplois qu'il en a détruit n'est pas plus évoqué que "la qualité" des emplois créés (conditions de travail fordiennes et chasse aux représentants du personnel).
Également "expert" à Face à l'info et également diplômé d'une école de journalisme privée : Dimitri Pavlenko.
"Qu'est-ce qui ampute le plus les salaires? Bah c'est les impôts… les impôts!" #infox
"Il y a une pression fiscale de 54% et demi sur les salaires" #chiffres bidons, en l'espèce ceux de l'institut Molinari, association financée par les entreprises pour "montrer l’intérêt d’un monde moins réglementé et moins fiscalisé" (extrait de leur statut qui a le mérite d'être transparent)
"Le pouvoir d'achat c'est la souveraineté du consommateur (…) si vous ne pouvez plus offrir un ciné ou un restaurant à votre femme, la vie est quand même beaucoup plus triste" #sexisme
La liste est loin du compte. Ce ne sont que quelques (mâles) exemples. Et pour cause : hors médias indépendants, les rédactions confient toutes leurs programmes éco à des conservateurs plus ou moins liés directement au lobby antifiscal. Un consensus médiatique historique.
À qui profite le crime (de désinformation)?

Élémentaire mon cher Watson , à ceux qui ont le plus intérêt à nous faire accroire que l'impôt tue la France à petit feu, et que les premiers de cordée sont la force vive de la nation : les très riches.
Désolée à celleux qui pensaient (sincèrement) qu'investir dans les médias relevait du mécénat d'entreprise. Il ne s'agit hélas que d'une prise de contrôle stratégique. Pour les milliardaires, investir dans la production "d'informations", c'est s'offrir une arme d'influence massive.
"Jamais dans l’histoire de l’Hexagone une poignée de milliardaires n’a eu une emprise aussi forte sur les chaînes de télévision, radio, journaux et magazines et, ce en pleine campagne présidentielle"
Alexis Lévrier, historien des médias

Vincent Bolloré : "un agenda clairement politique"
Quatorzième fortune française, Vincent Bolloré est l'heureux propriétaire du géant des médias Vivendi qui comprend le groupe Canal+, avec dans sa besace Cnews, C8, la chaîne porno "Jacquie et Michel" …; le groupe Prisma qui englobe Capital, le JDD, Ca m'intéresse, Europe 1 et même NéonMag et Simone media ; mais aussi Havas, 1er groupe publicitaire français… un moyen pratique de faire pression sur les rédactions tributaires des recettes publicitaires pour faire vivre leurs journaux.
S'il n'est que le cadet de la bande (pas en âge, il a 70 ans, mais en milliards), Vincent Bolloré se distingue par ses convictions (à l'extrême-droite toute!) et sa volonté de les porter à l'agenda médiatique. C'est à Vincent Bolloré qu'on doit notamment le Zemmour candidat à la présidentielle.
"Zemmour est le candidat d’un groupe audiovisuel. On reprochait à Berlusconi de mettre ses télés à son service, maintenant, il y a un groupe privé, celui de Bolloré, qui a choisi Zemmour comme porte-parole de ses intérêts"
François Hollande, Corriere della Sera, Octobre 2021
Déjà surmédiatisé dans l'émission TPMP (avec 45% de temps d'antenne qui lui est consacré), le candidat Zemmour se fait par exemple offrir par C8 une émission "politique" taillée sur mesure à 150.000 euros , "Face à Baba" , qui réunira 2,3 millions de téléspectateurs en décembre 2021.
Julia Cagé, professeure d'économie à Sciences Po spécialiste des médias, confirme : "l'agenda de Bolloré est très clairement un agenda politique". Adepte des procédures baillons et de la censure tout azimut, Vincent Bolloré a été entendu au Sénat, avec Bernard Arnaud, par la commission d'enquête sur la concentration des médias… mais nullement inquiété. Il faudrait en effet pour cela que le gouvernement le décide. Pour rappel : 20 médias français avaient déjà sonné l'alerte dans une tribune en 2018, et Reporters sans Frontières a de nouveau dénoncé en 2021 "ses atteintes répétées à la liberté de la presse et à l’indépendance des rédactions [comme] une menace sans précédent pour la démocratie". Dont acte.
Bernard Arnaud : just a french luxe
Bernard c'est le chef de la bande. Il pèse 149 milliards d'euros à lui tout seul. À 73 ans, c'est la 3eme personne la plus riche du monde. Héritier (par son père et son beau-père), ce proche de Sarkozy a su profiter du krach boursier de 1987 pour choper (des actions). Premier investisseur de Netflix, Bernard a le nez creux.
Avec LVMH, il possède notamment Les Echos, Le Parisien Économie, Challenge et une part de l'Opinion. Moins investi que son copinou Vincent dans le contrôle de l'agenda médiatique, il a quand même interdit à "ses" rédactions d'évoquer Merci Patron! le film de François Ruffin qui lui taille le portrait (#censurette) puis s'est carrément enflammé en faisant espionner François Ruffin et infiltrer son journal Fakir.
LVMH et la personne privée de Bernard Arnaud ont par ailleurs été clients d'Avisa Partners, une agence "d'intelligence économique" spécialisée dans la désinformation, c'est-à-dire dans la création sous faux profils de billets de blog publiés sur des plateformes à fort trafic. Des billets pro-business, climato-sceptiques et anti-impôt. Créé en 2010 par un proche de Pécresse, Avisa a tout pour plaire à la bande à Vincent : un actionnaire proche de Zemmour, ancien responsable de la campagne internet de Sarkozy, des associé.e.s bien réseauté.e.s comme Sylvain Fort, ancien rédacteur des discours d'Emmanuel Macron, ou Olivia Grégoire, actuelle ministre déléguée aux PME. Bref small world (again) mais big entreprise de manipulation … heureusement démasquée par Mediapart et Fakir, deux medias indépendants. Coïncidence? Je ne crois pas !
Patrick Drahi : le ptit jeune qui monte
Septième fortune de France à 59 ans seulement, le jeune Patrick, polytechnicien comme tonton Bernard, est un vrai geek. Son truc à lui, c'est les télécom. Avec son groupe Altice (ex SFR groupe), il possède notamment BFM TV, L'Express et RMC.
Quant à son rapport aux media… you guess. En 2014 il "sauve" de la faillite le quotidien Libération en investissant 18 millions d'euros. À la clé : un tiers de "départs volontaires" de la rédaction et … le retour à la tête du journal du très Macron-compatible Laurent Joffrin, chroniqueur sur CNews et dans L’Opinion, farouche opposant de Mélenchon durant la campagne de 2022.
Les exemples pourraient être multipliés à l'envi. Mais ce n'est pas le but. Juste soulever un coin.
Au risque de vous provoquer un accès de paranoïa, je ne peux pas conclure sans évoquer Le Siècle. Club "d'élite" fondé en 1944, il réunit chaque mois autour d'un dîner décideurs, entrepreneurs, hauts fonctionnaires et… journalistes.
Peu importe ici la sociologie du Siècle : des hommes (à 80%), blancs, de plus de 55 ans (la majorité), passés par Sciences Po (la moitié) et l'ENA (40%). Peu importe même son ambition : "construire les idées de demain", c'est-à-dire un agenda politique qui fait consensus parmi ses 600 membres cooptés. On sait. Le vrai danger, c'est la collusion. C'est Laurent Joffrin, Claude Imbert, Michel Field, PPDA, Frantz-Olivier Giesbert, Eric Le Boucher, David Pujadas, Serge Moati… "dînant" tous les mois avec Gérald Darmanin, Jean Michel Blanquer, Emmanuel Macron ou Nicolas Sarkozy.
La menace c'est l'encerclement des médias entre des hommes d'affaires qui contrôlent leurs moyens financiers et une "élite" conservatrice qui façonne leur agenda ("ce qui doit être dit et ce qui doit être tu"). Et par menace il ne faut plus entendre seulement atteinte à la démocratie mais extinction de l'espèce, car le conservatisme est non seulement classiste et masculiniste mais aussi écocidaire.
Jane Sassume
Sources
Elles sont toutes en liens hypertextes mais vous pouvez aussi :
consulter les sites d'Acrimed et d'Arrêt sur images, notamment cette excellente chronique : Espérance de vie : l'embrouille Seux;
aller voir le documentaire (15') "Le système B. L’information selon Bolloré" de Reporters sans frontières et Les nouveaux chiens de garde;
écouter : l'enquête des Matins du samedi sur France Culture : L'empire médiatique de Vincent Bolloré ne cesse de croître;
et lire : "Face à la gauche, les économistes en gardiens du temple", Romaric Godin, Mediapart, 26 mai 2022
Pour une télé libre contre Bolloré de Julia Cagé éditions, Seuilibelle
L'Empire Comment Vincent Bolloré a mangé Canal+ de Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, Seuil Les Jours
"Commission d'enquête du Sénat: devant Arnault et Bolloré, le bal des flagorneurs", un article d'Anne Chirol, sur Slate.fr